Les rendements de fonds en euro 2016, un petit meurtre entre amis

Comme chaque année à cette période, les compagnies d’assurance publient leur tableau de chasse en communiquant les taux de rendement des fonds en euro de leurs contrats d’assurance-vie pour l’année précédente.

Cette année, pas de grande surprise car depuis de nombreux mois les organes de régulation, les compagnies d’assurance et la presse ont clairement annoncé que les taux continueraient de baisser.

Après une baisse de l’ordre de 30 centimes en 2015 où le taux moyen avait atteint 2.27%, en 2016 d’après les chiffres déjà publiés, le taux moyen aurait légèrement franchi la barre symbolique de 2% à 1.98% avec une baisse de 30 centimes des rendements (liste des rendements pour 2016 par contrat, source GFVM  av2016gmfv)

Cette baisse qui semble inéluctable est d’autant plus préoccupante que l’inflation, elle, montre des velléités de remontée avec des prévisions de hausse de 1-1.2% pour 2017 contre +0.6% en 2016. Le rendement net de l’inflation des fonds euro risque d’être proche de zéro en 2017 si la baisse des rendements se poursuit au même rythme.

Pour autant faut-il complètement s’éloigner des fonds en euro ? Est-ce que leur taux est vraiment voué à se rapprocher des 1% comme beaucoup le prévoit ?

Pas si sûr, plusieurs éléments permettent d’espérer que le pire soit peut-être dernière nous et que les taux de rendement ont peut-être atteint un seuil.

En effet lorsque l’on regarde de près la valorisation de ces fonds, il faut bien être conscient que le taux annoncé par les compagnies d’assurance est un taux « décrété » et non pas un taux calculé chaque année suivant les mêmes bases de calcul. Sans rentrer dans le détail, il y a 2 paramètres à regarder lorsque s’on attache à déterminer de la rentabilité d’un fonds euro:

Les taux de rendement des actifs généraux est resté très stable ces 4 dernières années malgré un contexte de forte baisse des taux et contrairement à ce que l’entend couramment, les fonds en euro ne génèrent pas moins de revenus que dans le passé. Comme on le voit sur le graphique publié par l’ACPR-Banque De France (Autorité de Contrôle Prudentiel et de résolution) lors de son étude annuelle sur le secteur de l’assurance, le taux servi/annoncé chaque année baisse alors que le rendement réel des actifs ne baisse pas depuis 2011.

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Cela ne correspond pas au discours que l’on entend en permanence qui consiste à dire que dans un contexte de taux bas les compagnies d’assurance doivent investir les nouvelles souscriptions à des niveaux très bas et  mécaniquement tirent vers le bas la rentabilité du fonds. En vérité, les versements nets chaque année sont relativement modestes au regard des encours : en 2016, les versements nets dans les fonds en euro ont représenté environ 15 milliards €, soit 1.1% de l’encours  (environ 1.300 milliards €). Pas de quoi expliquer l’ampleur de la baisse des rendements annoncés depuis plusieurs années.

En réalité, les assureurs ont entamé un exercice de prélèvement actif  sur le rendement des fonds euro destiné en théorie à accumuler des réserves qui se révéleraient très utiles en cas de fortes remontées des taux et donc protègent les assurés. Soit.

Il est vrai que ces réserves restent acquises aux assurés et que leur ré-attribution peut s’étaler sur plusieurs exercices. Mais leur montant peut apparaître disproportionné (même si aux yeux de la Banque de France il reste insuffisant), et ont atteint des niveaux jamais vu. Chez certains assureurs cela monte jusqu’à 3.85% de l’encours !

Les compagnies d’assurance n’utilisent-elles pas avec la bénédiction de la Banque de France, du Ministre des Finances et du Haut Comité à la Stabilité Financière cet argument prudentiel à leur profit en essayant de dissuader les épargnants d’investir sur les fonds euro ? Depuis la mise en œuvre de la directive Solvency II au 1er janvier 2016, le coût des fonds en euro à l’actif du bilan des compagnies vient alourdir la  rentabilité de leurs fonds propres. D’où la tentation d’inciter les assurés à se réorienter vers les Unités de Comptes qui ont le double avantage de ne pas être dans leurs bilans et d’être plus chargées en frais…

C’est la raison pour laquelle on a vu fleurir depuis plusieurs années des propositions commerciales qui offrent de booster la rémunération du fonds euro (au détriment des autres assurés au passage) à la condition d’investir un minimum en Unité de Compte. Protège-t-on vraiment les épargnants en les incitants à se positionner sur des actifs plus risqués que le fonds euro ?

Avec la remontée des taux obligataires sur des niveaux de 1% début 2017, et peut-être une hausse supplémentaire à l’horizon de 2018, le rendement des fonds en euro ne devrait pas rester durablement en dessous de 2% avec en toute logique une reprise progressive des provisions passées par les compagnies d’assurance.

Son enterrement de première classe annoncé par les assureurs est peut-être prématuré.

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