Depuis quelques années, une nouvelle activité de financement a pris un gros essor, celle qui consiste à financer les frais de litiges judiciaires.
Cette pratique est issue des pays de « Common Law » (à l’origine l’Australie) dans lesquels les frais de défense et d’arbitrage ont connu une forte inflation.
Le financement par des tiers permet à une société d’éviter de mobiliser de fortes sommes d’argent, sommes qu’elle préfère consacrer au financement de son activité opérationnelle.
En effet, pour une société, l’issu de la démarche judiciaire est bien souvent aléatoire avec un risque de se défendre à fonds perdu.
En contrepartie de ce financement, ces tiers financeurs vont être intéressés financièrement à la réussite du procès ou de l’arbitrage.
La taille de ce marché extrêmement fragmenté est estimée à environ 20 milliards de dollars. Mais surtout cette activité croît fortement puisqu’entre 2013 et 2016, les montants investis ont été multipliés par quatre. Aux Etats-Unis, 36% des cabinets d’avocat y ont recours, ce n’était que 7% en 2013 ! (source ALM Media). Au Royaume-Uni cette proportion atteint 40%.
Cette démocratisation de la pratique induit également une baisse des « tickets » moyens financés. Si dans le passé, les litiges entre 50 et 100 millions de dollars représentaient la part du lion du secteur, l’arrivée de nouveaux acteurs ainsi que son utilisation comme stratégie de défense a permis le développement d’un marché de tickets plus petits s’échelonnant entre 10 et 50 millions de dollars.
Qui fait quoi dans ce type d’opération ?
A l’origine il y un cabinet d’avocat qui doit provisionner ses honoraires et qui, afin de gagner le mandat de défense, peut être amené à trouver une solution de financement pour son client. Ce sont les apporteurs d’affaire numéro.
Il y a le client plaignant qui parfois peut contacter directement un tiers financeur.
Et puis, il y a le financeur qui, en général, s’appuie sur ses propres équipes juridiques qui vont effectuer plusieurs « due diligence » avant de s’engager dans le financement : valeur nette de la demande, son fondement juridique, moyens de preuve disponibles, coûts prévisibles de la procédure, expérience et compétence de l’avocat choisi, solvabilité du défendeur, durée prévisionnelle du litige. Le rôle et l’implication du financeur varient en fonction des structures, mais en règle générale il est passif et n’intervient que dans le financement. Ainsi il n’est pas décisionnaire si le client accepte une offre financière en deçà de ses attentes.
La rémunération du financeur varie entre 20 et 50% des sommes recouvrés mais la tendance actuelle, du fait de la présence de nouveaux acteurs et donc une plus grande compétition entre financeurs, à une réduction de la rémunération autour de 20-30%.
Quels sont les risques et les rendements de ces financements ?
En règle générale, ce sont les litiges les plus rentables qui attirent les tiers financeurs (avec un rendement minimum de 3 à 4 fois les sommes investies). Les durées d’investissement sont relativement courtes (environ 3 ans).
Les rendements obtenus ont été historiquement à deux chiffres, Burford Capital, le plus gros acteur du secteur (2.4 milliards$ de portefeuille) affichant un TRI de 31% depuis sa création en 2009.
Les risques demeurent élevés (risque juridique avec une perte totale de l’investissement, risque de valorisation avec un montant récupéré inférieur à celui investi, risque de duration) et c’est pour cela que de nouvelles solutions plus sécurisées se mettent en place. Avec la « financiarisation » de cette activité, à la base purement juridique, on voit apparaître des structures où un tiers, typiquement un assureur, assume le remboursement au pair de l’investissement en contrepartie d’une prime d’assurance et une part prépondérante des sommes recouvrées.
Complètement décorrélée des autres classes d’actifs, le financement des contentieux propose une solution de diversification de portefeuille intéressante avec une offre de plus en plus riche (30 à 40 fonds présents sur cette niche).