Le mandat de protection future, est-ce toujours pour les autres et trouve-t-il son utilité pour les chefs d’entreprise ?

L’allongement de la durée de vie s’accompagne souvent d’une altération de l’autonomie ou des capacités mentales des personnes. Le législateur, conscient des difficultés et des lourdeurs que puissent représenter la mise en place d’une mesure de protection (curatelle, tutelle, habilitation familiale), a institué en 2007 un dispositif qui permet de définir à l’avance et de façon conventionnelle l’organisation de cette protection. Ce dispositif, « le mandat de protection future » prévoit de désigner à l’avance un mandataire chargé de représenter le mandant et ce de son vivant.

Sur quoi porte le mandat ?

Il existe deux types de mandats :

  • le mandat pour soi-même : toute personne majeure peut désigner par avance une ou plusieurs personnes qui seront chargées de la représenter si, un jour futur, elle ne peut plus pourvoir seule à ses intérêts
  • le mandat pour autrui : le mandat peut être pris pour protéger les enfants majeurs souffrant de handicaps ou d’une maladie ou bien tout simplement des enfants mineurs

Le mandat peut concerner, selon le libre choix du mandant :

  • la protection de sa personne (choix du logement, choix des loisirs et vacances, choix de santé)
  • la protection de ses biens (gestion du patrimoine)

Qui désigner comme mandataire et quels pouvoirs ?

Toute personne physique jouissant de sa pleine capacité civile peut être librement choisie comme mandataire. Il n’est pas nécessaire que le mandataire ait un lien de parenté avec le mandant. Le mandataire peut également être une personne morale, notamment une association régie par la loi du 1er juillet 1901, dès lors que celle-ci est inscrite sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Il est primordial de désigner un mandataire subsidiaire en cas de refus ou de décès du 1er mandataire désigné.

Les pouvoirs du mandataire sont fonction de la forme du mandat. Si celui-ci est un acte authentique (acte notarié), le mandataire peut, à la différence des règles applicables au mandat de droit commun, conclure des actes de disposition à titre onéreux sur les biens du mandant (cession). Toutefois, les actes de disposition à titre gratuit (donation, libéralités…) doivent toujours être autorisés par le juge des tutelles.

Le mandat sous seing privé est, en revanche, limité aux actes conservatoires ou de gestion courante. En matière de gestion du patrimoine du mandant, les pouvoirs du mandataire sont donc limités aux actes qu’un tuteur peut faire sans autorisation.

 

Déclenchement du mandat, révocation et contrôle

Le mandat prend effet lorsque le mandant n’est plus en état de pourvoir à ses intérêts : le mandataire fait constater l’état de santé du mandant par un médecin inscrit sur une liste établie par le procureur de la République. Le mandat peut prendre fin en cas de rétablissement des facultés du mandant ou par révocation du juge des Tutelles (en cas d’altérations des capacités du mandataire ou de son décès).

Le mandataire ne dispose pas de toute latitude pour exercer sa mission, et des contrôles sont organisés afin de protéger le patrimoine du mandant. Le mandataire devra effectuer chaque année un inventaire des biens qu’il gère et dresser un compte de gestion qu’il tiendra à disposition du Juge des Tutelles et du procureur de la République si le mandat est conclu sous seing privé. Des modalités de contrôle plus précises peuvent être indiquées dans l’acte. La responsabilité du mandataire peut être mise en cause en cas de mauvaise exécution, d’insuffisance ou de faute dans l’exercice de sa mission.

 

Mandat de protection future pour le chef d’entreprise

Pour un chef d’entreprise-actionnaire/associé, la perte accidentelle ou pour cause de maladies de ses facultés peut avoir de lourdes conséquences sur la gestion de son patrimoine mais aussi sur la gestion voire la survie de l’entreprise.

L’existence d’un mandat de protection future fait rempart à l’ouverture d’une tutelle qui peut être sollicitée par tout tiers, y compris par un créancier. Lorsque le juge est saisi d’une telle demande, le mandat s’impose au magistrat et protège ainsi le chef d’entreprise de la mise en place d’une mesure de protection incapacitante

Le mandat de protection future permet donc d’apporter certaines réponses mais en aucun cas le mandataire ne peut représenter le chef d’entreprise dans ses fonctions statutaires. Le remplacement du mandant dans sa fonction de mandataire social s’opère à l’aide des outils du droit des sociétés, par l’harmonisation des statuts et des stipulations du mandat. Le mandataire pourra alors participer au remplacement du dirigeant par l’expression de son vote en assemblée. Suivant le type de société (SNC, SARL, SC, SA, SAS), des aménagements statutaires ad’ hoc sont possibles même si dans la pratique certaines greffes ne reconnaissent pas systématiquement la désignation d’un gérant successif dans le cas de SARL ou de Société Civile.

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