Les opérations de défiscalisation, une douce illusion ?

Alors que se dessinent les derniers contours du projet de loi de finance pour 2017,  on a pu noter que la réduction du nombre de niches fiscale promise depuis 2012 n’a toujours pas eu lieu : on en dénombre encore pas loin de 450 !

Cette exception française au sein de l’Europe (au Royaume-Uni ce chiffre avoisine les 350, en Allemagne moins de 100) concerne aussi bien les entreprises que les particuliers.

L’Etat dans sa logique schizophrène de prélèvements/exceptions joue les arbitres en matière d’épargne d’une loi de finance à l’autre. Le dernier ajustement en date concerne les investissements en faveur de la production cinématographique et audiovisuelle à travers les Sofica. En effet le PLF 2017 prévoit de remonter de 36 à 48% des montants investis (maximum 18 000€) la réduction d’impôt. Pour mémoire cette même réduction avait été abaissée de 48 à 36% en 2011, pourquoi ce revirement en 2016 ? A n’en point douter les campagnes de commercialisation de fin d’année de Sofica devraient rencontrer un succès certain.

On comprend dès lors que la demande pour certains actifs puisse être plus dictée par des perspectives d’économie d’impôts que par une espérance de rentabilité élevée. La valeur de ces actifs risque de souffrir d’une surévaluation au moment de leur mise sur le marché.

C’est ce à quoi on assiste assez souvent dans les opérations de défiscalisation immobilière. Que ce soit lors d’opérations réalisées à l’intérieur de dispositifs Pinel, Censi-Bouvard (Ehpad, résidence de tourisme, d’affaires ou d’étudiant) que dans des opérations de réhabilitation (Malraux), les biens sont très souvent surévalués de 10 à 15%. L’autre écueil de ce type d’investissement est la sortie du dispositif. En effet, au terme de la période de détention obligatoire pour bénéficier de la réduction, se pose le problème de la revente : qui sera disposé à acquérir un bien qui ne sera évalué uniquement sur ces qualités intrinsèque puisque le bénéfice fiscal sera épuisé ? C’est à ce moment-là et uniquement là, que s’évalue la pertinence de l’investissement et sa rentabilité réelle.

Une autre considération à prendre compte lors d’une opération de défiscalisation est la qualité de gestionnaire de l‘établissement qui fera les choix d’allocation. C’est le cas dans les Sofica mais surtout lors de l’investissement en FIP ou FCPI, opération destinée à diminuer le montant de l‘impôt sur le revenu ou de l’ISF. En effet l’analyse des performances des fonds arrivés à maturité (http://www.leparticulier.fr/jcms/p1_1570499/fip-fcpi-notre-palmares-exclusif) met en avant un succès limité à quelques gestionnaires et pour beaucoup d’entre eux une performance réduite à l’avantage fiscal. En clair, pendant les 6 à 10 ans de l’investissement, votre capital a baissé et seule la réduction d’impôt rend l’opération attractive. Dans la même veine, Il est symptomatique que les gestionnaires de Sofica n’aient adapté leur gouvernance d’investissement qu’il y a 5 ans lorsque l’Etat a raboté la réduction d’impôts. C’est à ce moment, afin de préserver l’intérêt d’un tel placement, qu’ils ont décidé de procéder à l’« adossement » de leurs investissements auprès d’opérateurs qui garantissent la valeur des droits investis. Ils ont pu compenser la perte de la rentabilité fiscale par un surplus de rendement financier : pourquoi ne pas faire cette démarche de façon systématique ?

 

Autre point et non des moindres, les frais. La Cour des Comptes a réalisé une étude en 2015 sur l’investissement « intermédié » dans le capital de PME (https://www.ccomptes.fr/Accueil/Publications/Publications/La-depense-fiscale-ISF-PME). Son référé met le doigt sur un autre aspect dommageable à la rentabilité de ce type d’opération, le montant des frais prélevés. En moyenne ils sont de 4.5% par an soit 45% sur une durée de 10 ans ! C’est un critère à prendre en compte dans toute opération de défiscalisation, les frais doivent être raisonnables et pas de nature à remettre en cause la rentabilité de l’investissement.

Dernier point à évaluer lorsqu’on rentre dans un dispositif ayant pour but de diminuer la pression fiscale : le risque de requalification. Certaines de ces opérations reposent sur l’observation de règles strictes que ce soit sur des questions juridiques, fiscales ou même opérationnelles. Que se passe-t-il si le gestionnaire de mon investissement en résidence de tourisme met la clé sous la porte ou veut négocier le renouvellement du bail ? Quelles sont les conséquences de mon investissement en loi Girardin s’il n’y a pas d’exploitation du matériel ? Que se passe-t-il si mon bien loué en Pinel est vacant depuis plus de 12 mois ? Le risque est de devoir restituer l’avantage fiscal avec des pénalités.  Ce risque ne doit pas être sous-évalué et nécessite toujours une prime par rapport à un investissement plus sûr.

 

La prudence et le discernement sont donc de mise avant de céder aux sirènes des économies d’impôts. Au-delà de la question de la pertinence d’une telle démarche (beaucoup de contribuables faiblement imposés font ce choix sans qu’ils puissent vraiment bénéficier de l’effet de levier fiscal) il s’agira de bien choisir son bien lorsqu’il s’agit d’un investissement immobilier et de bien sélectionner son gestionnaire lorsque l’exploitation ou la gestion de l’investissement est déléguée.

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