En matière d’assurance vie, on met souvent en valeur les vertus fiscales d’une transmission opérée par son biais.
En effet, tous les versements effectués avant les 70 ans de l’assuré, seront transmis à son décès en franchise d’impôt à concurrence de 152.500€ par bénéficiaire (Art.990I du CGI). Au-delà, la fiscalité reste « douce » puisque les droits de succession sont de 20% (jusqu’à 852.500€).
En revanche, les désignations des bénéficiaires sont très souvent rapidement traitées, la plupart des contrats prévoyant des clauses standards où l’assuré n’a plus qu’à cocher la « bonne case ».
Une des raisons principales de cette pratique est la frilosité des assureurs qui cherchent à limiter les désignations sur mesures, coupables à leurs yeux d’être de potentielles sources de conflits lors du règlement des capitaux aux bénéficiaires.
L’allongement de la durée de la vie, l’évolution des cellules familiales avec l’augmentation des familles recomposées sont, entre autres, des raisons qui doivent amener à rédiger des clauses bénéficiaires mieux adaptées à sa situation personnelle.
Il faut aussi rappeler que la désignation d’un bénéficiaire est libre et que l’assureur ne peut s’immiscer dans sa rédaction. La désignation peut se faire par avenant au contrat ou par testament (Art. L 132-8 du Code des assurances).

Qui désigner ?
En règle générale, on cherche souvent à protéger son conjoint et c’est souvent celui-ci qui est désigné. Or, lorsqu’on met en place un contrat d’assurance vie, on projette une transmission avec le montant actuel du contrat. Des années, voir des décennies plus tard, les montants ont certainement évolué, et si à l’origine on souhaitait transmettre 100% du contrat à son conjoint, cette somme peut se révéler surdimensionnée.

Comment désigner ?
Première règle à rappeler, en matière successorale, les bénéficiaires ne peuvent être que ceux expressément désignés : en cas de décès de l’un d’entre eux, il n’y a pas de représentation automatique. Si l’on veut que des petits-enfants viennent en représentation d’un de leurs parents, la clause bénéficiaire doit le mentionner.
Deuxième règle : l’emploi de la désignation « mes héritiers », est à manier avec précaution. Ces « héritiers » seront ceux désignés par voie testamentaire si vous en avez rédigé un : si vous avez plusieurs enfants que vous désignez l’un d’entre eux légataire universel, il sera le seul bénéficiaire du capital de l’assurance vie.
Troisième règle : la répartition du capital entre plusieurs bénéficiaires peut se faire de manière dynamique. Le partage peut être fait en pourcentage entre bénéficiaires mais il peut aussi être fait avec des montants précis : estimons, par exemple, que le capital permettant au conjoint survivant d’assurer son train de vie est de 500.000€. Si à l’origine il n’y avait que 300.000 d’investi, lors du décès 100% du capital sera versé au conjoint survivant à concurrence de 500.000€, le surplus étant réparti entre les autres bénéficiaires.
On peut également prévoir une répartition qui évolue en fonction de l’âge d’un des bénéficiaires : on peut estimer qu’un bénéficiaire de 40 ans aura de plus gros besoins qu’un bénéficiaire de 75 ans. La clause peut donc être rédigée avec plusieurs options en fonction de l’âge du bénéficiaire principal.
Quatrième règle : On peut prévoir un scénario où le bénéficiaire de premier rang refuse l’acceptation du capital et qu’un bénéficiaire de second rang soit désigné. Cette possibilité a été validée par une réponse ministérielle de 2016 (Rép. min. n° 18026 à M. Malhuret). Ce refus n’est pas considéré comme une donation indirecte, le bénéficiaire de premier rang n’ayant rien reçu. Dans ce scénario, on donne la possibilité de choisir entre, soit accepter en totalité le capital, accepter en partie (les quotités doivent être énoncées dans la clause bénéficiaire) ou tout refuser.
Cinquième règle : Des conditions et charges peuvent être intégrées dans la rédaction de la clause. Il peut s’agir par exemple d’une obligation de réinvestir le capital sur un type d’actif particulier (achat de la résidence principale, achat de parts d’un fonds de placement particulier). On peut aussi prévoir dans le cas où le bénéficiaire soit encore mineur, la gestion/administration par un tiers du capital transmis.
Sixième règle : Le capital peut être transmis de façon démembrée, c’est-à-dire avec une répartition entre plusieurs bénéficiaires de l’usufruit et de la nue-propriété. Encore une fois, les besoins évoluant avec l’âge, il est parfois suffisant de transmettre que les revenus générés par un capital (usufruit). S’agissant d’une somme d’argent, cet usufruit se transforme en « quasi-usufruit » qui sous certaines conditions (dispense de caution) peut permettre de « consommer » tout le capital, sans que le nu propriétaire puisse intervenir. Cette solution est fiscalement intéressante car le « quasi usufruit » représente une créance en faveur du nu propriétaire. Au décès de l’usufruitier, cette créance viendra diminuer sa masse successorale et donc les droits de succession.

Ces différentes approches peuvent être opportunément mixées afin de coller au plus près des situations particulières de l’assuré. Il faudra également s’assurer que ces dispositions restent pertinentes dans le temps.