Une expatriation rime souvent avec des contributions locales à des plans de retraite privés. C’est le cas du Royaume-Uni (« pension fund ») et de la Suisse (« prévoyance professionnelle »).
Ces deux pays offrent la possibilité aux salariés et à leurs employeurs, de contribuer/abonder (sous certaines conditions) à des enveloppes capitalisantes de retraite. Ces versements bénéficient d’un régime fiscal incitatif puisqu’ils sont en général déductibles du revenu imposable du contribuable.

Pour les personnes qui résident de façon temporaire dans un de ces deux pays se pose le problème du rapatriement de ces fonds, une fois de retour en France. Bien souvent, les sommes accumulées sont relativement importantes et la perspective de les récupérer sous forme de rentes une fois l’âge de la retraite atteint, est peu alléchante.
Que ce soit en Angleterre ou en Suisse, le législateur a prévu plusieurs modalités qui permettent sous condition d’âge ou de résidence fiscale, de récupérer ces sommes sous une autre forme.

 

Cas du Royaume-Uni

Depuis avril 2015 et la mise en place du « Pension Freedom Act », le législateur anglais a accordé une plus grande souplesse dans la gestion des « pensions funds » avec la possibilité dès 55 ans d’accéder à ces fonds et ce suivant plusieurs modalités :
– retirer 25% du capital en franchise d’impôts (ce retrait peut être fait en une seule fois ou étaler dans le temps)
– conserver le capital investi et faire des retraits étalés dans le temps
– demander la mise en place d’une rente
– retirer entièrement le capital en une seule fois (dont 25% étant en franchise d’impôts)
– mixer toutes ces optionsl

De retour en France, on peut dès 55 ans exercer ces options sachant que la fiscalité applicable sera déterminée par la convention fiscale franco-britannique. Celle-ci prévoit que les retraites privées soient taxées exclusivement dans le pays de résidence fiscale soit la France. Exit donc, par exemple, la notion purement britannique de retrait en capital en franchise d’impôts limité à 25%. En France, ces retraits seront soumis, par défaut, au barème progressif sur l’impôt (Art. 79 du CGI). Depuis 2012, en cas de retrait unique de l’intégralité du capital, il est avantageusement possible d’opter pour un prélèvement libératoire forfaitaire de 7.5% (Art. 163 bis du CGI). Sachant que ce taux de 7.5% est appliqué qu’à concurrence de 90% de la somme retirée, le taux effectif de cet impôt étant au final que de 6.75% auquel il faut rajouter en 2021, 9.1% de cotisations sociales (CSG, CRDS + CASA) soit une fiscalité totale de 15.85%. En cas de retraits multiples, c’est la fiscalité par défaut qui viendrait à s’appliquer.

Avant 55 ans, malheureusement, il n’existe pas de solutions satisfaisantes. Jusqu’en novembre 2016, il était possible de transférer ces « pensions funds » en France au travers d’un réinvestissement dans un PERP (Plan d’Epargne retraite Porpulaire), ce n’est désormais plus possible (http://milleniumgp.fr/2016/11/29/hmrc-a-supprime-de-sa-liste-deligibilite-tous-les-qrops-francais/). Ce point mérite une vigilance accrue car beaucoup de conseillers financiers encouragent à transférer ces « pensions funds » dans des pays de l’Union Européenne (Malte entre autres) avec un important risque de requalification fiscale sans compter les frais très élevés qui y sont associés.

D’un point vue fiscal, le Brexit n’apporte aucune modification mais pour ceux qui feraient le choix de conserver leurs « pensions funds » après 55 ans au Royaume-Uni, il existe cependant un doute sur la capacité réglementaire des assureurs britanniques de pouvoir continuer à délivrer des prestations à des personnes résidents dans l’Union Européenne.

 

Cas de la Suisse

En ce qui concerne la Suisse, les modalités de contribution et de gestion de la « prévoyance professionnelle » sont un peu plus complexes car il existe différentes « strates » :
– Le 1er pilier (l’AVS) qui est la retraite de base
– Le 2ème pilier qui se scinde en deux parties (obligatoire et surobligatoire)
– Le 3ème pilier

Pour les 2èmes et 3èmes piliers il est possible de récupérer son capital avant la retraite et le rapatrier en France, et ce sans conditions d’âge dans les cas suivants :
– Pour acheter un logement (ou rembourser un prêt hypothécaire)
– Si vous vous installez comme indépendant
– Si vous quittez définitivement la Suisse

En cas de retour en France, on peut donc invoquer la dernière option et récupérer en « espèce » l’intégralité de la partie surobligatoire du 2ème pilier (la partie surobligatoire est celle qui correspond aux contributions qui dépassent le minimum institué par la loi fédérale). La partie obligatoire n’est elle pas accessible dans ce cadre-là, elle sera bloquée jusqu’à la retraite. Le 3ème pilier (3A et 3B) est lui intégralement accessible (avec d’éventuelles pénalités sur les 3èmes piliers de type 3B).

La fiscalité appliquée à ces opérations est déterminée par l’application de l’article 20 de la convention fiscale franco-suisse : c’est dans l’Etat de résidence du bénéficiaire, la France donc, qu’est appréhendé l’impôt. Dans la pratique, lors du versement du capital, une retenue à la source cantonale est appliquée. Son montant varie en fonction des montants et des cantons où est établie l’institution de prévoyance. En France, l’imposition de l’opération est similaire à celle du cas anglais décrit précédemment : barème par défaut ou option pour l’imposition forfaitaire à condition que le retrait en capital ne soit pas fractionné et que les versements dans le fonds de pension étaient déductibles du revenu imposable (ce qui n’est pas le cas en général pour le 3ème pilier).

Afin d’éviter une double imposition en Suisse et en France, il est possible de demander aux cantons concernés le remboursement de la retenue à la source (une fois l’impôt acquitté en France), ce qui dans la pratique provoque un important décalage de trésorerie (l’impôt cantonal n’étant remboursé qu’en année N+1).

 

Que ce soit de retour du Royaume-Uni ou de Suisse il peut être donc fiscalement intéressant de rapatrier ses fonds moyennant une fiscalité aménagée, cela peut être l’occasion à la fois de limiter son exposition au risque de change (GBP et CHF) mais aussi de pouvoir choisir de meilleurs supports de placement que ceux proposés dans ces enveloppes et qui sont en général assez restrictifs et peu qualitatifs.